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Des millions de pieds ont foulé les trottoirs de Quimper.  Mes pas épousent sans doute sans le savoir les pas de gens banals, des bons et des méchants, des joyeux lurons et des dépressifs, peut-être même d’un artiste passé par là, peut-être d’un escroc, d’un héro, d’un salaud… Suivant l’Odet, je m’arrête à un feu. Devant le palais de Justice, je regarde mes pieds. Je suis peut-être dans les pas de Francis Heaulme…

 

Non, Francis Heaulme n’est pas quimpérois, mais son histoire est liée à la ville, car son chemin de croix judiciaire a commencé au tribunal de Quimper. Celui qui a été surnommé le "routard du crime" a traversé la France de long en large, ne restant jamais au même endroit et semant des cadavres sur son passage. Il avait pour habitude de monter dans un train, s’asseoir et sortir au terminus.

C’est à la gare de Quimper que je commence ma déambulation.

Ainsi en mai 1989, cet homme qui allait au cours de sa vie de tueur parcourir pas moins de 37 départements et des distances impressionnantes à pied, en stop ou en train, débarque à Quimper. Je l’imagine devant les rails au niveau du terminus de bus, s’approcher d’un groupe de marginaux, cherchant quelques renseignements. Peut-être qu’on lui proposa une bière tiède qu’il a bu là, au milieu des chiens, des ordures et des passants qui cheminent à distance de cette faune qui peuple parfois l’endroit. Ils ignoraient alors que cet étrange homme aux lunettes mal ajustées était un terrible criminel.


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Je me dirige vers le Spar, et peut-être que mes pas sont guidés par les siens, peut-être a-t-il fouillé dans sa poche pour chercher quelques francs afin de s’offrir quelques alcools. Une mamie au cabas vichy me précède… Il a dû en côtoyer lui aussi, peut-être même en aider à attraper un article perché haut sur un rayon.

 

Marchant vers le commissariat, montant la rue Pen-Ar-Stang, direction l’hôpital. Devant cette porte d’entrée, me croisent des dizaines de personnes. Et si l'une d’elles était mal intentionnée, si l’une d’elles était dérangée, peut-être l’une d’elles vient de tuer récemment ? Et si cette personne était un « Francis Heaulme » en puissance ?!

 

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Heaulme, notamment quand il était à court d’argent, se rendait dans les gendarmeries ou hôpitaux pour se plaindre d’agressions imaginaires. Il fut interné plusieurs fois dans des institutions psychiatriques à sa propre demande, et repartait sans crier gare. A Quimper, il se retrouva dans le service de cardiologie durant quelques jours, nourri et logé, protégé des aléas de la vie nocturne et extérieure. Pourtant le dimanche 14 mai 1989, Heaulme reprend le chemin de la gare. Il s’installe dans le TER Quimper-Brest et se laisse porter jusqu’à la cité du Ponant.

A Brest, il poignarde et égorge Aline Pérès, une aide soignante de 49 ans, sur la plage du Moulin-Blanc. Son corps sera découvert par des promeneurs peu de temps après son décès, en fin d’après-midi.

 

Le maréchal des logis-chef Jean-François Abgrall, de la gendarmerie de Relecq-Kerhuon, est chargé de l’affaire et a la vive impression que ce crime brutal et précis est l’œuvre d’un tueur ayant déjà commis d’autres crimes. Mais un meurtre sans raison ni mobile évident, car l’aide soignante était une femme douce et appréciée de tous. Abgrall apprend que l’arme du crime est un couteau à lame de fer, sans doute un Opinel.

 

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La plage est très fréquentée à l’heure du meurtre, mais malheureusement pas cet endroit précis. Toutefois, plusieurs témoins ont contacté la gendarmerie. Un homme explique ainsi qu’il a vu deux hommes s’approcher de la victime, mais qu’il s’est par la suite retourné pour écouter sa radio. Ce coin de la plage était fréquenté par des toxicomanes et des marginaux, qui furent donc interrogés. Les gendarmes apprennent que de nombreux SDF fréquentent le centre Emmaüs local. Ils s’y rendent, mais seulement pour apprendre que la plupart des "communautaires" ont déjà quitté le centre pour ne pas avoir à faire à la police... Les noms de ces hommes figurent sur les registres, dont celui de Francis Heaulme, et des avis de recherche sont lancés.

Le 19 juin 1989, Abgrall est appelé dans la Manche : des collègues viennent d’interpeller l’un des marginaux du centre Emmaüs de Brest, un dénommé Francis Heaulme. Pensant qu’Abgrall est un enquêteur de Saint-Lô et non de Brest, Heaulme affirme qu’il a "fait l’armée", et explique la technique à utiliser « pour tuer une sentinelle » : en lui donnant un coup de couteau dans le cou, puis le cœur, puis les reins... C’est justement de cette manière qu’Aline Pérès a été assassinée. Heaulme ajoute qu’il prend des « cachets anti-angoisse » qui lui donnent « des pulsions » : « je vois des coulées de sang sur mes mains ». Ce qui ne fait qu’accroître les soupçons d’Abgrall…

Mais Heaulme a un excellent alibi : à l’heure du meurtre, il est dans le service de cardiologie d’un hôpital de Quimper, à 80km de là, où une infirmière a pris sa température à l’heure même du meurtre. Quelques jours plus tard, Jean-François Abgrall se déplace tout de même à l'hôpital de Quimper où il apprend qu'un malade peut très bien laisser son thermomètre sur la table et être absent de sa chambre au moment du relevé de température. Encore plus troublant, des femmes de ménage lui apprennent que le lendemain du meurtre elles ont trouvé du sable sous son lit.

 

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Le procès pour le meurtre d’Aline Perès, s’ouvre le 28 janvier 1994 devant la cour d’assises du Finistère, à Quimper. Heaulme dit que la veille, il a rêvé de ce crime, mais qu’il ne l’a pas accompli. Plus tard, il se met à raconter le meurtre, à la façon d’un spectateur, à la troisième personne. Enfin, il emploie le "je" : « J’étais très énervé. Je me suis avancé vers la femme. (...) Elle a vu ce qui allait se passer. Elle a vu le couteau. Je me suis adressé à elle et lui ai dit : "Je m’appelle Heaulme Francis, j’ai un problème, je veux vous parler." Je lui ai également dit : "J’ai rêvé que vous alliez être poignardée." La femme avait peur, elle a crié. » Il explique qu’il a « vu rouge » et qu’il a frappé.

Le 29 janvier, Francis Heaulme est condamné à 20 ans de réclusion criminelle assortis d’une période de sûreté des deux tiers.

Devant le palais de Justice. Je regarde à nouveau mes pieds… Innocemment, j’ai marché dans les pas d’un tueur. Mais pour me rassurer, je me dis que probablement j’ai dû aussi marché dans les pas de Max Jacob, et de Jean Moulin.

 

 

Source : http://www.tueursenserie.org/spip.php?article10

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